1. Les coraux : un relief vivant
    1. Aspects de la biologie des coraux (A. Ferry & F.Trentin)

Mode de nutririon de coraux

•  Quel est le secret d'une telle réussite ?

On peut faire l'hypothèse que les coraux ont développé une stratégie almentaire originale...

Une technique de chasse élaborée

Les polypes, zoophages, se nourrissent de petits animaux, le zooplancton (photo ci-contre), qu'ils chassent la nuit, grâce à des cellules spécialisées; les cnidocytes ou nématocytes (document 6). Chez de nombreuses espèces les tentacules ne se déploient que la nuit lors de la remontée du plancton.

Les cnidocytes sont abondants dans l'ectoderme des tentacules. Une cellule interstitielle de l'ectoderme se différencie en cnidoblaste : chaque cnidoblaste différencie une capsule à double enveloppe ou cnidocyste (nématocyste) contenant un liquide urticant. La paroi interne s'invagine en un long filament ouvert à l'extrémité. La couche externe est interrompue au niveau de la zone d'invagination du filament. Ce pore est fermé par un opercule. Les cnidocytes sont connectés par leur base aux éléments nerveux de la mésoglée.

Quand un organisme planctonique effleure le cnidocil (4), l'opercule (5) s'ouvre et le filament (1) est expulsé en se déroulant.

En effet, sous la pression du liquide interne venimeux (11), le filament urticant se dévagine comme un doigt de gant retourné. Les épines (2) déchirent alors les tissus de la victime. Le filament s'enfonce dans son corps et se comporte comme une aiguille inoculant le venin. Cette séquence dure quelques millièmes de secondes.

 
Schéma d'un cnidocyste (D'après Les coraux de B. Robin, C. Petron et C. Rives)
  1. Filament urticant
  2. Tube
  3. Epines
  4. Cnidocil
  5. Opercule
  6. Cnidocyste
  7. Noyau cellulaire
  8. Cellule ectodermique ou cnidoblaste (futur cnidocyte)
  9. Ramification nerveuse
  10. Cavité du cnidocyste ou ampoule à venin
  11. Poison sous pression
  12. Cnidocyte
La microphotographie ci-dessous montre des cnidocystes
dévaginés
(Photo Nicole Gravier-Bonnet).
cnidocystes dévaginés (Photo Nicole Gravier-Bonnet).
 

Document 6 : Schéma d'un cnidocyste (D'après Les coraux de B. Robin, C. Petron et C. Rives)

D'autres cnidocystes sont recrutés grâce à une liaison par des éléments nerveux mais également par des composés chimiques contenus dans l'animal capturé. Ensuite, les tentacules amènent la proie vers la bouche. Enrobée de mucus, elle est aspirée puis digérée dans la cavité gastrique par des sucs digestifs (sécrétés par certaines cellules de l'endoderme).

Les cnidocystes ne servent qu'une fois. Un nouveau cnidocyte sera différencié à partir de cellules interstitielles

Remarque sur les différents termes : Le terme cnidoblaste fait référence à une cellule urticante immature (en cours de formation à partir d'une cellule interstitielle indifférenciée de l'ectoderme). Une cellule fonctionnelle est appelée cnido cyte (ou nématocyte), et elle renferme une capsule appelée cnidocyste ou nématocyste.

Référence:Watson G.M. and R.L. Wood, 1988. Colloquium on terminology. in Hessinger and Lenhoff edits., The Biology of Nematocysts, Academic Press, Inc. , p.21-23
 
polype d'un tubastrea
 
Les cnidocystes sont de taille et de formes différentes
selon leur fonction (défensive ou alimentaire) et selon les espèces.
Les petits granules jaunes que l'on peut distinguer sue les tentacules correspondent aux cellules urticantes de ce Tubastrea.

La nutrition est aussi assurée par le mucus qui piège la matière organique; cette matière organique sert de support nutritf à un film bactérien qui est consommé par le zooplancton: les particules alimentaires sont amenées jusqu'à la bouche par des mouvements ciliaires.

Mais du fait de la pauvreté des mers tropicales,le zooplancton et les bactéries qui se développent sur le mucus (telle une véritable culture entretenue par le corail) ne couvrent que 10 à 20% des besoins énergétiques du polype.

Quelle est la source majeure d'apports énergétiques pour le polype? Où trouve t- il la plus grande partie de sa nourriture?

 

La comparaison des documents 7 et 8 permet de montrer une évolution parallèle du taux de recouvrement et de l'éclairement en fonction de la profondeur.

Ce parallélisme conduit à penser que les coraux auraient besoin de lumière pour se développer.

Or, en règle général, ce sont les végétaux qui ont besoin de lumière pour assurer leur approvisionnement en énergie et ainsi élaborer leur matière organique à partir d'éléments minéraux.

 

 

 

 

Eclairement en fonction de la température Document 7
recouvrement en fonction de la profondeur
Document 8

L'observation attentive des polypes nous montre que ce sont des animaux colorés en jaune-brun pour la plupart. Cette coloration est due à la présence, dans les cellules endodermiques du polype, de petites algues unicellulaires, les zooxanthelles.

Signalons que les teintes bleu ou rose que peuvent prendre certaines espèces coralliennes ont pour origine des pigments synthètisés par le polype en réaction à la présence de ces très nombreuses colocataires. Ces chromoprtéines sont responsables de la fluorescence des coraux et protègeraient les polypes et les zooxanthelles contre les effets des UV.

Corallimorphaire : Actinodiscus Scléractiniaire : Acropora Actiniaire : Anémone
Corallimorphaire : Actinodiscus
Scléractiniaire : Acropora
Actiniaire : Anémone

 

Une association efficace avec des algues

Une coupe dans les tissus du polype (microphotograhie ci-contre) montre la présence d'unicellulaires chlorophylliens : les zooxanthelles qui sont des Dinoflagellés phtosynthètiques.

Elles apartiennent à l'espèce Symbiodinium microadriaticum. Leur diamètre est d'environ 10 µm et sont de couleur brune, jaune ou verte. Elles sont regroupées par ou 3 dans des vésicules à l'intérieur des cellules de l'endoderme de l'épithélium supérieur. Elles ont une couleur jaunâtre due à la présence de pigments photosyntètiques (chlorophylle a etc, xanthophylles et caroténoïdes). ce sont elles qui ont besoin de lumière...

On rencontre également des zooxanthelles du genre Symbiodinium chez de nombreux autres organismes marins (foraminifères, radiolaires, planaires, spongiaires et mollusques).

Déja présentes dans l'oeuf pour certaines espèces, elles se multiplient activement dans les tissus de leur hôte : leur population peut doubler en 10 jours. Elles constituent une biomasse végétale stockée par les polypes qui peut atteindre 45 à 60% de la biomasse en protéines du corail chez Pocillopora damicornis. Ainsi, certains auteurs avancent le chiffre de 30 000 algues/mm3 en moyenne.

Quand elles sont en surnombre dans les tissus de son hôte, elles sont expulsées et servent alors de nourriture avec le mucus aux bactéries et autres animaux qui à leur tour nourriront le corail.

Symbiose polype  algue (corail), zooxanthelle

Zooxanthelles - Microphotographie X 1000
(cliché : N. Gravier-Bonnet)


Les zooxanthelles trouvent là un milieu stable, à l'abri des variations des conditions du milieu, de la sédimentation et des prédateurs.

• Elles utilisent les déchets azotés et phosphatés du polype comme source d'éléments minéraux qui sont localement plus concentrés que dans le milieu extérieur.
La source de C proviendrait à la fois du CO2 émis au cours de la respiration du polype et des hydrogénocarbonates dissous dans l'eau de mer.

Grâce à ces éléments minéraux et à la lumière, elles élaborent de la matière organique essentiellement glucidique. Une partie de cette matière produite est utilisée comme source de nourriture par le polype.

La photosynthèse produit un dégagement de dioxygène (O2). La concentration en O2 des eaux chaudes est peu élevée du fait de sa faible solubilité qui, de plus, diminue avec la température. L'approvisionnement en O2, nécessaire à la respiration du polype est alors facilité.

Ce sont les zooxanthelles qui sont les principaux producteurs primaires
des écosystèmes coralliens.
Symbiose polype  algue (corail), zooxanthelle

• Le polype bénéficie des produits organiques élaborés par les zooxanthelles dont il stimule la photosynthèse et l'exportation de sa production.

Par ailleurs, la prédation fournit au polype, les protides et les lipides. Il réunit ainsi tous les éléments nécessaires (glucides, lipides et protides) à sa croissance et à son entretien. L'activité (métabolique) du polype se traduit par les échanges gazeux de la respiration, absorption d'O2 et d'un rejet de CO2 . Ce même CO2 qui serait utilisé pour la photosynthèse par les zooxanthelles.

•  Le prélèvement du CO2 par les zooxanthelles favorise la précipitation du carbonate de calcium, c'est à dire du calcaire, et donc l'élaboration du squelette du polype. L'équilibre chimique du CO2 dissous dans l'eau et des carbonates, est déplacé dans le sens de la précipitation du carbonate de calcium (CaCO3 ) lors du prélèvement du CO2 par les zooxanthelles :

Ca 2+ + 2HCO 3 - < ============= > CaCO 3 + H 2 O + CO 2

L'augmentation du CO2 dissous dans les eaux marines liées à l'augmentation des émissions de ce gaz pourrait entraîner une diminution de la calcification des récifs coralliens voire à faciliter leur dissolution.

Symbiose polype  algue (corail), zooxanthelle

Zooxanthelles et scléractiniaires constituent une association à bénéfices réciproques : c'est une symbiose.

Ainsi, la symbiose permet un recyclage local et rapide de la matière . Elle est à l'origine de la réussite des coraux dans les milieux pauvres en éléments nutritifs (oligotrophes).

C'est grâce à cette symbiose que les scléractiniaires sont les bâtisseurs de récif, ils sont qualifiés de "hermatypiques ".

Ainsi, les coraux constructeurs de récifs sont des animaux (consommateurs, zoophages) qui hébergent des cellules chlorophylliennes, des zooxanthelles (Producteurs primaires) permettant ainsi l'édification d'un squelette minéral (calcaire).