Les menaces qui pèsent sur le récif corallien et
propositions pour une gestion durable 

 

Depuis longtemps la surpêche est une préoccupation des scientifiques et des autorités compétentes qui ont répondu par la création de réserves de pêche par arrêté préfectoral tous les 3 ans : ce sont elles qui sont en vigueur ; elles ne protègent que la seule ressource.

Les études montrent un déséquilibre dans le réseau trophique : les poissons prédateurs font souvent défaut car ce sont eux qui sont pêchés ou chassés : Mérous, perroquet, Empereurs ( Lethrinus .) En 1994, E. Tessier du comité des pêches, montrait que les békines ( Lethrinus rubrioperculatus) capturées sur le plateau corallien de St Gilles avait une taille comprise entre 20 à 15 cm contre une taille habituelle de 25 à 30cm dans des stocks peu ou modérément exploités. Cependant, à l'époque les pêcheurs ne parvenaient pas à invoquer la surpêche comme facteur de dégradation des prises mais la pollution ou le tourisme (Bulletin N°4, Vie Océane).

Voir pour informations : Suivi de l'état de santé des récifs

De même le rapport établi par l'IFREMER et l'IRD dans le cadre de la commission des pêches du séminaire GIZC, (14-18/09/98) indique que 525 T/an seraient extraites des 25 km de côtes coralliennes … Le prélèvement atteint 10 fois la valeur standard conseillée et le double des rendements les plus élevés dans un contexte où la vitalité corallienne est 5 fois moindre (Conclusion article Vie Océane, O7/2000, Quel effort de pêche peuvent soutenir les récifs réunionnais ?

Certaines techniques de pêche sont sélectives et conduisent à la diminution des stocks de reproducteurs. D'autres au contraire, portent atteintes à la génération future comme par exemple la pêche aux capucins carême.

Ce type de pêche se maintient pour des raisons socio-politiques alors que de 1955 à 1992, le nombre de pêcheurs professionnels était restreint à 49 ; mais deux manifestations avec barrage de route (1998 et 1999) a conduit à l'ouverture de la pêche aux capucins aux non professionnels.

En 1999 et en 2000, le suivi de cette pêcherie a montré que les infractions étaient de plus en plus nombreuses et que la quantité de poissons prélevée a été divisée par 6 malgré une augmentation de l'effort de pêche ;

La sélectivité des techniques de pêche aux capucins est médiocre et les pêches accessoires, le plus souvent des juvéniles, représentent jusqu'à 50 % des prises.

Cette photo présente une partie des prises accessoires lors d'une seule pêche aux capucins carêmes sur une seule nuit  ; soient 262 individus sur 400 répartis en une 20 aine d'espèces .

Ces post-larves, véritables rescapées, avaient réussi à franchir la barrière corallienne pour trouver refuge dans la zone sableuse qui longe la plage. Ce sont elles qui, après croissance, auraient pu constituer non seulement la ressource en poissons mais également les futurs reproducteurs….

Cycle de vie des poissons coralliens ayant une phase larvaire océanique : seulement 5% des post-larves colonisant le récif survivront. Les études récentes ont montré que le recrutement des larves de poissons (P. Durville, 2002) est limitant (faible flux larvaire dont l'essentiel des larves aurait pour origine le récif réunionnais). (D'après la Thèse P. DURVILLE- ECOMAR 2002)

Si elles avaient atteint l'âge adulte, elles auraient représenté environ 235 Kg de poissons pour la pêche locale soit à raison de 10 €/Kg près de 2350 euros  ! En une seule nuit, cet espoir de revenu s'est envolé et il ne se reproduira pas….

Noms scientifiques

Non commun

nombre

Poids adulte par individu en Kg

Intérêt pour la pêche

Caranx (melampygus ?)

carangue

26

5 à 10

XXX

Caranx sexfasciatus

carangue

1

5 à 10

XXX

Sargocentron diadema

écureuil

62

0.1

X

Myripristis sp.1

soldat

19

0.1

X

Myripristis sp.2

soldat

3

0.1

X

Mulloidichthys flavolineatus

capucin

3

0.5 à 1

XXX

Parupeneus barberinus

rouget

5

1à 2

XXX

Apogon aureus

apogon

1

négligeable

-

Ctenochaetus striatus

chirurgien

24

0.5

-

Acanthurus sp.1

chirurgien

50

??

X

Acanthurus sp.2

chirurgien

11

??

X

Acanthurus triostegus

chirurgien

15

0.1

X

Zebrasoma scopas

chirurgien

24

0.1

X

Chaetodon trifasciatus

papillon

2

négligeable

-

Heniochus acuminatus

cocher

2

0.1

-

Synodus variegatus

Lézard

2

0.1

-

Atherinomorus sp.

 

1

négligeable

-

Polydactylus sp.

 

3

0.1

X

Lutjanus fulvus

Lutjan

1

0.5

XXX

Siganus sp.

P. Lapin

4

0.2

X

Rhinecanthus aculeatus

baliste

3

0.2

-

+ crustacés

 

 

 

 

 

 

262

235 Kg

 

 

Total

Poids moyen adulte total des poisons d'intérêt pour la pêche

Les réponses à apporter

La réglementation des activités s'avère nécessaire et difficile du fait que de nombreux acteurs n'appartiennent pas à des groupes socio-culturels bien définis et que les revenus de leurs activités sont souvent sous-estimées rendant difficiles le développement d'alternatives.

Une des réponses à consister à la mise en place de DCP  ; des études ont également été développée pour étudier la possibilité de créer des récifs artificiels.

La mise en place d'aires protégées pourrait permettre la reconstitution des stocks et essaimés vers les zones périphériques : c'est l'effet réserve

Figure ci-dessous extraite de Effet Réserve : Synthèse bibliographique en milieu marin et mise en place d'un protocole de suivi à la Réunion , DESS-GET- Thierry Séverin – 2000-2001 )

On peut également souligner que dans un mise en valeur économique des récifs coralliens, la disparition des mérous sur le site de la "Roche aux mérous" par un acte de chasse sous-marine privilégie un système de rapport immédiat et non durable.
Des poissons, à quels prix?

Déséquilibre de l'écosystème :

Les conséquences induites par de tels prélèvements peuvent conduire à un déséquilibre important de l'écosystème  : la réduction de certains niveaux de régulation peuvent conduire à la prolifération de certains groupes ou à la disparition d'autres :

Les prélèvemetns excessifs au niveau des régulateurs conduisent au développement des concurrents (algues) des coraux et à leurs prédateurs : les populations de coraux sont affaiblies. Les papillons corallivores stricts se font plus rares tandis que les papillons et les chirurgiens algivores se développent. Les structures des populations sont modifiées.

Pour compléments d'informations, voirdans le dossier l'Univers Corallien : Les niveaux de régulation de l'écosystème corallien

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La fréquentation accrue des récifs coralliens accroît l'érosion des plages mais également participe à la dégradation de l'édifice par le piétinement et par les coraux cassés lors des nombreuses activités de loisirs ou de prélèvements.

Rappelons que la croissance corallienne est de quelques cm par an. Par ailleurs, les larves se fixant sur les substrats durs puis donnant les premiers polypes sont de très petite taille et il est bien difficile d'éviter de marcher dessus. Or c'est la génération de demain qui est piétinée. (dossier l'Univers Corallien Biologie des coraux)

Des calculs simplistes montre qu'il suffit une vingtaine de personnes déambulant sur le platier de St Pierre pendant une marée basse pour qu'il soit entièrement piétiné. A petits pas, petits pas, où sa nou sa va ?

Les coraux, des trottoirs?

L'éducation, la sensibilisation et la responsabilisation des différents publics, l'application de la réglementation et des aménagements apporpriés devraient être à même de répondre aux problèmes.

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L'île concentre l'essentiel de sa population sur le littoral (à moins de 7 km du rivage), plus accessible, soit 88% des quelques 750 000 habitants. Pour une superficie de 2500 km², seuls 1000 km² sont dits « utiles ». La densité moyenne actuelle de 281 habitants au km² équivaut au triple de la densité de l'île en 1945. Mais rapportée à la surface utile déjà évoquée, la densité se chiffre à 800 habitants au km2.

Urbanisation comparée sur 20 ans de St Gilles les bains ;

Un problème de densité de population...

Dans ce contexte, les réserves foncières deviennent extrêmement rares et chères sur le littoral. Entre 1990 et 1999, la croissance de construction des logements a été estimée en moyenne à 30% sur la moitié ouest de l'île de Saint Benoît à Saint Joseph.

La tendance risque donc de se poursuivre et d'aggraver la situation sur les littoraux réunionnais. Enfin, la problématique des constructions sans permis s'ajoute aux menaces : un tiers des constructions actuelles n'est pas déclaré et l'on dénombre plus de 4000 nouvelles habitations illégales par an. Le taux de chômage record de La Réunion, avoisinant les 36%, peut en partie expliquer un tel phénomène. ( DESS GET L ecomte Laëtitia, Transfert des parcelles de la zone des cinquante pas géométriques pour remise en gestion au conservatoire du littoral île de la Réunion )

C'est une réponse au niveau du SAR, des PLU et SCOT donc des collectivités (Région, communes) qui doit être apportée.

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C'est un problème qui devra être résolu et qui passe par le SDAGE et le SAGE. La qualité de l'eau pour le maintien des écosystèmes coralliens est essentielle. Des efforts, depuis les années 80, ont cependant été faits et sont certainement à l'origine d'un certain statu quo dans le maintien de l'état de santé des coraux mais évidement beaucoup reste à faire. La mise aux normes des stations d'épuration auraient dû être terminée au 31/08/2006 ; ce qui n'est évidemment pas le cas. A souligner une législation particulière pour les zones coralliennes classées zones sensibles ce qui implique un traitement plus poussé de l'eau.


cliché APMR

Mais la situation à La Réunion est loin d'être brillante :

Neuf agglomérations sont, déjà, très en retard. Trois stations fonctionnent correctement : Cilaos, Bras-Panon, L'Entre-Deux ; Trois communes ont des « tuyaux » mais pas de station de traitement : Sainte-Marie, Saint-Joseph, Sainte-Rose ; Quatre communes ne possèdent pas de station : Petite-Île, Saint Philippe, Salazie, La Plaine des Palmistes.

A noter que l'état de l'assainissement individuel n'est pasmeileure. A la Plaine des Palmistes, par exemple, 90% des fosses septiques sont en mauvais état. 60% de la population de l'île utilisent un assainissement autonome.

Quelques données financières

Pour mettre aux normes toutes les stations de l'île, il faudrait 650 -800 millions d'euros, or sur la période 2000-2006, le FRAFU (Fonds Régional d'Aménagement Foncier Urbain) ne disposait que de 120 millions dont 1/3 pour l'assainissement soit 40 millions d'euros, donc 6,6 millions d'€ par an. A ce rythme là, près de 100 ans s'écouleront avant d'avoir une île propre ! Les experts estiment que pour résorber la situation dans un délai raisonnable (15 ans?), il faudrait multiplier par 5 le rythme des dépenses annuelles moyennes de ces 5 dernières années. Cela demande une vraie volonté politique.

http://www.comitedebassin-reunion.org/FCKeditorFiles/File/Etat_des_Lieux/chapitre%204.pdf

Un autre problème est celui de la gestion des eaux pluviales et de leur écoulement rapide du fait de l'imperméabilisation croissante des surfaces avec des exutoires naturels (ravines) ou artificiels en milieu lagonaire. Eaux pluviales qui ont lessivé les terres agricoles et urbaines et sont chargées en pesticides, nitrates, phosphates.

Des apports en nutrients proviennent également de la percolation des nappes souterraines littorales qui peuvent drainées des déchets domestiques (apports de nitrates par décomposition de matière organique) ; Les rapports d'isotopes permettent de déterminer l'origine (engrais ou domestique).

Les taux de phosphates dans les lagons dépassent chroniquement le seuil au-delà duquel les risques d'eutrophisation sont importants (0,1µmol/L) ;

Le sage ouest préconise une action en amont (vers les acteurs du milieu agricole) et les aménageurs.

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L'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère puis dans l'eau de mer conduirait à une réduction de la calcification. La calcification est liée à l'équilibre 2 HCO 3 - + Ca 2+= CaCO 3 + CO 2  ; une augmentation du CO 2 dissous dans l'eau conduirait à une dissolution du calcaire ; néanmoins il faut tenir compte également de l'activité photosynthétique des algues symbiotiques qui pourrait croître… Mais la contrepartie est une augmentation de la quantité d'O 2 dissous ce qui n'est pas favorable aux tissus de l'hôte…

Le rejet de CO2 pourrait diminuer la calcification et menacer les récifs coralliens

Des données récentes tendent à montrer que si les océans sont bien des puits à CO 2 , il semblerait que les récifs coralliens seraient au contraire une source de CO 2 mais de façon minime….

Le blanchissement des coraux

Sous l'effet de facteurs de stress comme la pollution des eaux, l'augmentation de la température, de la teneur en CO2 ou de l'intensité lumineuse, les coraux perdent leur couleur jaune-brun laissant transparaître leur squelette calcaire. Vivants, ils conservent des couleurs vives et fluorescentes par la présence de chromoprotéines.

Ce blanchissement est dû soit à la perte des pigments photosynthétiques des zooxanthelles soit à l'expulsion des zooxanthelles elles-mêmes soit à l'expulsion des cellules endodermiques. (Voir dossier l'Univers Corallien Biologie des coraux)

Les coraux durs ne sont pas les seuls à blanchir, de nombreux autres organismes tels que les anémones, les coraux mous ou alcyonaires peuvent perdre leurs symbiotes. La sensibilité est différente selon les espèces : les Acropora apparaissent souvent comme les plus sensibles.

Des chercheurs ont montré que l'augmentation de l'intensité lumineuse entraîne la production de radicaux oxygénés toxiques qui seraient à l'origine de l'expulsion et de la mort des zooxanthelles.

Si le retour des conditions normales intervient dans un délai suffisamment court, les polypes peuvent récupérer des algues dans le milieu ou permettre à nouveau leur multiplication dans leurs tissus. Ainsi, les coraux se rétablissent et reprennent leur couleur. Si ce retour est trop tardif, les coraux meurent.

Des travaux récents suggèrent que les zooxanthelles qui recolonisent les polypes pourraient être plus résistantes aux conditions du milieu et permettre ainsi une adaptation des coraux aux changements climatiques…

Les phénomènes de blanchissement s'ils étaient connus depuis longtemps, ont été particulièrement marqués lors des épisodes El Niño de 1982-83 et surtout en 1998 (cf. ARVAM et le réseau CORDIO d'évaluation des conséquences économiques du blanchissement de 1998, www.cordio.org ; http://perso.wanadoo.fr/arvam/blanch.html ).

Chaque été, des épisodes de blanchissement, plus ou moins importants, peuvent être observés dans les lagons de La Réunion et à moindre échelle sur la pente externe. L'augmentation de la température joue certainement un rôle déterminant ; selon C. Conand, la température de l'eau de surface a augmenté de 0,8°C dans les lagons en 10 ans. Cependant, il ne faudrait pas oublier les autres stress qui, sans impact direct apparent, concourent eux aussi à affaiblir les colonies coralliennes, à hypothéquer leur développement et à les rendre plus vulnérables au phénomène de réchauffement.

Evidemment la réponse ne peut être que globale…

Remarque  : Les couleurs chatoyantes des coraux

Ce sont les zooxanthelles qui par leurs pigments photosynthétiques confèrent une coloration verdâtre-brunâtre aux coraux. Les couleurs chatoyantes des Acropora et des Pocillopora (rose, bleu) sont elles dues à des chromoprotéines qui sont responsables de la fluorescences des coraux. Elles protègeraient le polype et les zooxanthelles des UVA.

Les enjeux représentés par les récifs coralliens sont importants, les difficultés multiples : pour permettre une gestion durable des récifs coralliens dans le respect de leur équilibre naturel ; il faut un outil capable d'intégrer les différents acteurs et les différents niveaux de gestion : le cadre juridique fourni par la réserve naturelle marine est apparue très tôt comme le seul outil capable de mener à bien cette mission.

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