1. Les poissons des récifs coralliens
    1. Aperçu de la systématique des poissons
    2. Aspects de la biologie des poissons
    3. Répartition des poissons récifaux , notion d'espèces bioindicatrices (P. Chabanet)
    4. Comportements alimentaires des poissons coralliens : Présentation des principales familles (F.Trentin)
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PEUPLEMENTS DE POISSONS ASSOCIES AUX RECIFS CORALLIENS

(P. Chabanet)

INTRODUCTION : Diversité et complexité des peuplements de poissons récifaux.

Les récifs coralliens représentent l'écosystème marin où la diversité en espèces est la plus grande. Cette richesse, est comparable à celle des forêts primaires tropicales en ce qui concerne les écosystèmes terrestres. Les poissons qui vivent sur les récifs coralliens sont souvent comparés aux oiseaux qui peuplent les forêts tropicales par la richesse de leurs peuplements d'une part, et par la complexité structurale de leur habitat d'autre part.

Par exemple entre 0 et 50 m, on a comptabilisé au total 2500 espèces de poissons. A titre comparatif, le nombre total d'espèces en Méditerranée est de 500 à 600 espèces.

Cette forte diversité est à l'origine de la complexité des relations entre les divers groupes taxonomiques qui cohabitent dans l'écosystème corallien. Toutes les espèces sont si étroitement liées qu'il suffit que l'une d'elle connaisse des perturbations pour que tout l'écosystème en souffre.

I - REPARTITION ECOLOGIQUE DES POISSONS RECIFAUX

1-1- Distribution verticale

Les poissons occupent la totalité de l'espace représenté par l'édifice récifal lui-même et la masse environnante. Ils présentent une distribution verticale précise, fonction du milieu colonisé et de la nature des rapports qu'ils entretiennent avec le fond. Trois grandes catégories écologiques ont été ainsi définies :

•  les espèces vivant en rapport avec le sédiment

•  les espèces vivant en rapport avec les formations coralliennes

•  les espèces nageant en pleine eau.

•  Les espèces restant en rapport avec le sédiment (terrier ou non), vivent soit dans le sédiment, soit à la surface du sédiment et sont alors benthiques ou nectobenthiques selon qu'elles se posent habituellement ou non sur le fond.

•  Les espèces vivant en rapport avec les formations coralliennes peuvent occuper les cavités récifales, habiter à la surface du récif ou bien nager autour des formations construites.

•  Les poissons qui évoluent toujours en pleine eau peuvent être récifaux ou périrécifaux ou bien venir des eaux du large.

La distribution verticale des poissons est un phénomène dynamique qui varie dans le temps, en particulier selon le rythme nycthéméral. La plupart des espèces passent d'une catégorie à une autre le soir et effectuent le mouvement inverse le matin.

1-2- Distribution horizontale

Cette répartition horizontale, suit l'organisation géomorphologique du récif. répartition  des poisons récifaux par Pascale Chabanet(université de la réunion)

L'étude de la distribution écologique des poissons à l'intérieur du récif frangeant à la Réunion, a permis de mettre en évidence l'existence de 3 peuplements ichtyologiques fondamentaux :

- le peuplement de platier externe
- le peuplement de platier interne
- et le peuplement d'arrière-récif.

Rq : Le peuplement ichtyologique présente son aspect le plus riche sur le platier interne construit.

Sur la pente externe , on observe

- peuplement correspondant à la zone de déferlement (0 à 6m), beaucoup plus pauvre en espèces
- peuplement de la zone à éperons-sillons, qui atteint sa richesse maximum dans l'horizon inférieur entre 12 et 18-20 m
- peuplement profond entre 20 m et 40-50 m

Ces peuplements ichtyologiques se distinguent d'autant mieux les uns des autres que le récif est plus structuré, et se recouvrent à des degrés divers lorsque les entités morphologiques récifales sont peu différenciées.

NB- Il existe des variations temporelles dans les populations de poissons. Elles sont liées à des variations dans le recrutement, aux pontes saisonnières, aux phases de la lune, ou aux cyclones et aux tempêtes.

II- ETHOLOGIES ALIMENTAIRES

Le régime alimentaire des espèces varie, en particulier, selon la taille des individus, la période et le biotope. La plupart des poissons présentent un rythme d'alimentation déterminé. On observe ainsi les espèces à activité strictement diurne , des espèces à activité essentiellement nocturne , des espèces présentant une activité maximale au cours des périodes crépusculaires et des espèces dont l'alimentation semble indépendante du facteur lumière.

Les espèces strictement diurnes passent la nuit cachées dans les cavités des constructions coralliennes ou enfouies dans le sédiment. Elles comprennent :
- tous les herbivores
- tous les omnivores
- les brouteurs d'invertébrés sessiles
- des planctonophages
- et certains carnivores

L'existence de ces rythmes d'activité induit celle de populations actives distinctes, l'une diurne, l'autre nocturne, qui se relaient selon le rythme nycthéméral. Le changement de population s'effectue au cours des périodes crépusculaires selon un ordre établi dépendant du niveau de l'intensité lumineuse.

Trois grandes classes de régimes alimentaires ont été distinguées :

•  Les herbivores (tous diurnes) : racleurs de feutrage algal, brouteurs de grandes algues ou de Phanérogames

•  Les omnivores (tous diurnes)

•  Les carnivores : diurnes (invertébrés + piscivores), nocturnes (invertébrés + piscivores), carnivores indifférents (piscivores essentiellement)

Les populations diurnes sont beaucoup plus diversifiées pour l'alimentation comme pour le nombre des espèces (plus de 60% des espèces présentent une activité diurne).

En nombre d'espèces, les herbivores représentent 10% de l'ichtyofaune totale, les omnivores, 15 % et les carnivores 75 %.. On ne relève pas de différences significatives entre les récifs de la Réunion (considérés comme dégradés) et le Grand récif de Tuléar dans les années 80 (considéré comme sain).

Par contre, en nombre d'individus, il existe de grandes différences entre les récifs sains et dégradés comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous pour le platier. Les données sont de Harmelin-Vivien, 1979 (Tuléar); de Galzin, 1985 (Moorea) et de Chabanet, 1994 (Réunion).

 

% indiv. herbivores

% indiv. omnivores

% indiv. carnivores

Tuléar

8

32

60

Moorea

27

52

21

Réunion

46

38

16

III - PRINCIPALES FAMILLES DE POISSONS RECIFAUX

Notions de systématique et régimes alimentaires de quelques familles

•  Embranchement : Vertébrés

•  Classes :

•  Chondrichtyens (poissons cartilagineux, squelette. cartilagineux, pas d'opercule, pas de vessie natatoire)

•  Osteichtyens (poissons osseux, présence d'un opercule et d'une vessie natatoire)

• Ordre des Téléostéens en majorité que l'on peut classer selon leur régime alimentaire :

Herbivores:
Acanthuridae, Siganidae, Scaridae
Omnivores :
Pomacentridae
Carnivores :
diurnes
nocturnes
Capturant les invertébrés disponibles en permanence
Capturant les invertébrés dissimulés pendant la journée
Capturant des invertébrés
Piscivores
•  Sessiles (Eponges, Ascidies, Bryozoaires) : Pomacanthidae

• Testacés (Brachyoures, Gastéropodes, Echinides) : Balistidae, Labridae adultes (Cheilinus)
• cryptofaune (museau allongé, bouche protactile) : Gomphosus coeruleus, Epibulus insidiator

• Faune du sédiment :
fouillent dans le sable avec leur museau (nombreux Labridae du genre Halichoeres),
avec leur barbilles (Mullidae),
s'enfouissent dans le sédiment ( Bothus ),
se nourrissent d'endofaune enfouie dans le sédiment (certains Labridae suivent les Mullidae ou les Balistidae qui projettent de l'eau contre le sable pour dégager des invertébrés).
• Vivant en banc la journée : Lutjanidae
• Vivant caché le jour : à tendance planctonophage (Holocentridae, Apogonidae),
capturant des proies benthiques (Holocentridae, Apogonidae),
ou chassant à l'affût (Serranidae, Pseudochromis)
• Chasse à l'affût dans le sédiment (Synodus),
sur des substrats durs (Serranidae, Scorpaenidae, Muraenidae)
• Grands piscivores pélagiques : Carcharinidae, Carangidae, Fistulariidae.

Ethologie particulière : Les poissons faux nettoyeurs ( Aspidontus taeniatus ) utilisent leur ressemblance avec les poissons nettoyeurs ( Labraoides dimidiatus) pour approcher les autres poissons et leur arracher des lambeaux de peau.

IV - RELATIONS CORAUX-POISSONS

Thèse (1994) : étude des relations entre les peuplements benthiques et ichtyologiques sur le complexe récifal de St-Gilles/La Saline (P Chabanet)

(Les Peuplements benthiques correspondent aux peuplements fixés, représentés essentiellement par les coraux, les peuplements ichtyologiques étant les peuplements de poissons).

Quelles sont les causes des variations spatiales et temporelles des peuplements des poissons associés aux récifs coralliens (thèse Letourneur, 1992) ?

Ces causes peuvent être en partie recherchées dans les liens unissant les poissons aux peuplements coralliens, et plus généralement au substrat . C'est cette question essentielle qui a motivé une étude sur les relations entre les peuplements benthiques et les peuplements ichtyologiques sur le complexe récifal de St-Gilles / La Saline (Ile de La Réunion).

Le problème posé dans ce travail est d'identifier parmi les différentes caractéristiques ou descripteurs des peuplements benthiques, ceux qui influencent la composition et l'abondance des peuplements de poissons.

Les objectifs de cette étude étaient d'une part, d'analyser les relations entre les peuplements benthiques et ichtyologiques et d'autre part, de mettre en évidence des espèces ou des relations indicatrices de l'état du milieu récifal.

4-1- Site et méthodes

L'échantillonnage a été effectué sur 6 secteurs d'étude qui sont, du nord vers le sud, la passe de Saint-Gilles, Trois-Chameaux, la passe de l'Hermitage, Club Méditerranée, Planch'Alizés et la passe de Trois-Bassins. Ces secteurs ont été choisis en raison de leurs caractéristiques physico-chimiques particulières, notamment le platier de Trois-Chameaux est caractérisé par des eaux récifales oligotrophes (secteur témoin, peu dégradé) par opposition à celui de Planch'Alizés dont les eaux sont dystrophes (secteur dégradé).

Sur chacun de ces secteurs, les relevés ont été effectués sur deux zones d'échantillonnage (le platier et la pente externe à une profondeur moyenne de 18 m), sauf dans les passes, où seule la pente externe a été étudiée. Dans chacune de ces zones, 3 stations ont été échantillonnées. Au total, c'est donc 27 stations qui ont été échantillonnées à 2 reprises au cours de l'étude (été, hiver). L'échantillonnage s'est effectué par observations visuelles, en plongée libre pour le platier et en scaphandre autonome pour la pente externe, en utilisant la technique du transect.

Dans un premier temps, les organismes benthiques interceptés par le quintuple décamètre, tels que les coraux ou autres peuplements, ainsi que le substrat abiotique, ont été notés et leur longueur mesurée. Puis, les individus des espèces de poissons observables ont été dénombrés dans une aire de 50x2m, répartie de part et d'autre du transect effectué pour le substrat.

Les données récoltées sur le terrain permettent de définir un certain nombre de variables qui vont caractériser les peuplements benthiques et ichtyologiques. Ce sont d'une part, la liste des espèces rencontrées par station qui est donc une variable pluri-spécifique, et d'autre part, des descripteurs synthétiques qui résument l'information retirée à partir de la liste totale des espèces / la richesse spécifique, l'abondance, la structure trophique du peuplement de poissons...

4-2- Résultats

4-2-1- Relations benthos-poissons

Les relations entre les descripteurs benthiques et ichtyologiques sont analysées selon les différentes classes mises en évidence par la MND (Méthode des Nuées Dynamiques).

•  La classe 1 regroupe 20% des stations échantillonnées. Elle réunit les stations du platier récifal de Trois-Chameaux (zone témoin), et une station située en bordure de la passe de Trois-Bassins, station ayant un peuplement corallien particulièrement riche et diversifié. Cette classe est caractérisée par la participation positive des descripteurs coralliens et ichtyologiques. Les peuplements coralliens, décrits par la taille importante de leurs colonies et le pourcentage élevé de coraux branchus vivants, sont associés à un peuplement ichtyologique diversifié dans lequel les poissons omnivores et brouteurs d'invertébrés sessiles sont les plus nombreux. Cette classe peut être considérée comme décrivant un milieu “témoin” du platier récifal ; la forte contribution des coraux branchus la situerait davantage en milieu peu profond. Elle est désignée sous le type UNITÉ BIOCONSTRUITE DE PLATIER NON PERTURBÉE.

- Trente pour cent des stations échantillonnées appartiennent à la classe 2 qui regroupe les stations situées sur le platier de Club Méditerranée et Planch'Alizés (zones perturbées), auxquelles se sont rajoutées deux stations situées sur la pente externe de Trois-Chameaux, stations qui sont caractérisées par un recouvrement élevé en algues et faible en coraux vivants. La classe 2 est décrite essentiellement par l'abondance des algues, corrélée à celle des poissons herbivores. Elle est aussi caractérisée par une richesse et une diversité spécifiques faibles en coraux et en poissons. Elle est désignée sous le type UNITÉ BIOCONSTRUITE PERTURBÉE.

- Vingt trois pour cent des stations appartiennent à la classe 3 qui regroupe uniquement des stations de pente externe. Elle est caractérisée par un nombre d'espèces et de colonies coralliennes importantes, une diversité corallienne élevée et un fort pourcentage de coraux massifs et encroûtants. A ce milieu corallien riche et diversifié est associé un peuplement de poissons lui aussi diversifié, avec une prédominance de carnivores et planctonophages. Comme pour la classe 1, ce milieu peut être considéré comme un milieu témoin. En revanche et par opposition à la classe 1, la présence de coraux massifs la situerait davantage en profondeur. Elle est désignée sous le type UNITÉ BIOCONSTRUITE DE PENTE EXTERNE NON PERTURB é E

- Enfin, 27% des stations appartiennent à la classe 4 qui regroupe uniquement des stations de passes. Elle est décrite positivement par le pourcentage de recouvrement en matériel détritique et par l'abondance des poissons planctonophages. Tous les autres descripteurs coralliens et ichtyologiques caractérisent cette classe par leur contribution négative. Ce milieu est donc pauvre en coraux, particularité qui le rapproche de la classe 2, mais aussi pauvre en algues, ce qui l'oppose à la classe 2. Elle est désignée sous le type UNITÉ BIOCONSTRUITE DE PASSE.

Les descripteurs ichtyologiques tels que la richesse spécifique et la diversité sont donc essentiellement corrélés aux descripteurs coralliens, descripteurs coralliens qui caractérisent les classes 1 et 3. Les corrélations entre la diversité des poissons et les autres variables du substrat, tels que algues, coraux mous, substrat abiotique sont toujours faibles à négligeables. On conçoit donc l'importance de la vitalité des peuplements coralliens pour préserver des peuplements de poissons riches et diversifiés .

En revanche, les relations entre l'abondance globale des poissons et les autres descripteurs du substrat sont plus complexes et n'apparaissent pas clairement dans notre étude.

4-2-2- Bio-indicateurs (Espèces coralliennes et ichtyologiques indicatrices de l'environnement récifal)

L'étude a montré que les espèces indicatrices d'une unité bioconstruite NON PERTURBÉE sont des espèces spécialisées, soit dans leur nourriture, soit dans leur habitat. Elles appartiennent essentiellement pour les coraux au genre Acropora , genre qui affectionne particulièrement les eaux claires et bien oxygénées.

En ce qui concerne les poissons, les espèces appartenant aux Pomacentridae (ou poissons-demoiselles) sont les mieux représentées : Chromis viridis, Plectroglyphidodon dicki , P . johnstoniamus . Ces espèces vivent dans des colonies coralliennes branchues vivantes, à l'intérieur desquelles elles se réfugient au moindre danger. Les Chaetodontidae (ou poissons-papillons) sont aussi caractéristiques des zones non pertubées, et plus particulièrement Chaetodon trifasciatus , espèce spécialisée dans sa nourriture puisqu'il se nourrit exclusivement de polypes coralliens et donc plus sensible aux changements du milieu.

Parmi les espèces les plus typiques de la classe de type unité bioconstruite PERTURBÉE , nous trouvons pour les coraux : Montipora circumvallata et Synarea iwayanensis . Ces deux espèces plus massives sont particulièrement résistantes à des stress, stress qui peuvent être physiques comme le passage d'un cyclone, ou stress chimique causé par des eaux riches en éléments nutritifs. Ce sont des espèces opportunistes qui peuvent profiter de la disparition de certaines espèces coralliennes pour coloniser des milieux soumis à des conditions limitantes. De plus, ces espèces sont ubiquistes ; elles se retrouvent donc un peu partout sur le récif de St-Gilles / La Saline.

Pour les poissons, on retrouve aussi ces caractères d'ubiquité chez les espèces caractéristiques de la classe perturbée. Chaetodon lunula est une des espèces les plus typiques de cette classe. C. lunula par opposition à C. trifasciatus , caractéristique de la classe non perturbée, a un régime alimentaire plus flexible puisque c'est une espèce omnivore. Les Acanthuridae (ou poissons-chirurgiens) sont aussi caractéristiques de la classe de type perturbée. C'est une espèce herbivore stricte qui broute les algues filamenteuses et les algues charnues que l'on rencontre fréquemment dans les zones soumises au phénomène d'eutrophisation.

 

V - APPLICATIONS EN MILIEU SCOLAIRE

  - Méthode du transect

- Utilisation d'espèces bio-indicatrices.

Acanthurus triostegus,Rhinecanthus aculeatus Chaetodon lunula
Chromis viridis,Plectrogluphidodon dickii, Plectroglyphidodon johnstonianus Chaetodon trifaciatus,Chaetodon trifascialiss

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