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Conséquences biologiques de la phase planctonique de la vie des poissons coralliens (N. Crestey) Le trait probablement le plus méconnu des poissons coralliens et pourtant le plus déterminant pour leur écologie est que 99% des espèces ont des larves océaniques et planctoniques. Différentes phases du cycle de reproduction. Diversité des comportements reproducteurs Certaines espèces, comme les poissons-chirurgiens ou les muges, se reproduisent
en formant des bancs importants dans les passes et les façades océaniques
des récifs, endroits les plus exposés à l'influence océanique.
Les cellules sexuelles mâles et femelles (gamètes ) sont émises
dans l'eau, où s'effectue ensuite la fécondation.
Phase planctonique
Des milliers, voire des millions d'oeufs de moins d'un millimètre de
diamètre produits par la fécondation, naissent des larves minuscules
qui sont emportées dans l'océan par les courants. Elles se nourrissent
d'abord grâce à leur sac vitellin, riche en réserves nutritives,
puis capturent de petites proies planctoniques.
Phase nageuse
A la fin de leur séjour dans l'océan les larves commencent à
ressembler à de petits poissons. Une queue pédonculée rend
leur nage efficace. Les plus grandes, mesurant plusieurs centimètres,
sont ainsi capables de résister aux courants marins ; elles font partie
du "necton".
Le recrutement et la métamorphose
Pour celles qui restent la transition entre la vie dans l'océan et la
vie sur le récif se déroule par le biais d'une métamorphose.
Les larves de poissons récifaux acquièrent progressivement toutes
les aptitudes physiologiques pour se transformer en juvéniles colorés.
La métamorphose s'opère généralement au contact
des récifs, peut-être sous l'effet de stimuli sensoriels particuliers.
Mais elle peut également se produire au large. Il est donc essentiel
que les larves soient suffisamment proches d'un récif pour venir le coloniser
et y poursuivre leur cycle de vie.
Echanges génétiques entre des populations parfois très éloignées Au terme de leur phase de vie larvaire planctonique, les individus d'une même espèce peuvent se retrouver dispersés en différentes zones de l'océan. Ainsi, alors que les milieux terrestres des îles océaniques sont marqués par un fort endémisme, les récifs coralliens qui entourent ces îles, et qui sont pourtant tout aussi dispersés, ont un peuplement étonnamment cosmopolite.
D'une superficie de 617 000 km2, les récifs coralliens forment deux grandes
provinces biogéographiques : la province Atlantique avec notamment les
Caraïbes, et la province Indo-Pacifique, vingt fois plus étendue,
du golfe de Suez jusqu'au Pacifique Est. Leur origine tient à la séparation
des deux bassins océaniques du Pacifique et de l'Atlantique (fermeture de l'isthme de Panama) voilà
deux à cinq millions d'années,.
Ainsi, l'endémisme (la quantité d'espèces restreintes à une région) est plus important dans les îles éloignées des continents. Biodiversité La dispersion des larves augmente l'aire de répartition géographique
des espèces, ce qui explique que quelques kilomètres de récifs
coralliens abritent plus d'espèces de poissons que toute la Méditerranée.
Dans l'Indo-Pacifique, la plus riche en espèces, le nombre maximal de
poissons se situe dans l'archipel des Philippines (deux mille espèces
recensées). Ce nombre décroît ensuite selon la longitude
et la latitude. il reste cependant plus grand le long des continents (Australasie
et Afrique) qu'au niveau des îles, car les grands espaces océaniques
représentent une certaine barrière à la dispersion des
espèces.
Adaptation à des milieux restreints donc menacés
Compte tenu de la forte mortalité larvaire provoquée par la vie
au large et le retour au récif on peut se demander quel est, pour les
espèces de poissons, l'intérêt de la phase pélagique.
Pourquoi l'évolution n'a-t-elle pas plutôt sélectionné
un cycle de vie entièrement récifal ?
Gestion des stocks de poissons coralliens La question des échanges géniques entre populations est plus
cruciale qu'elle n'y paraît. La pêche et la dégradation des
milieux côtiers entraînent non seulement une diminution des stocks
de poissons, mais parfois aussi une réduction de l'aire de répartition
naturelle des espèces (même si la pêche reste essentiellement
artisanale dans ces zones). Aussi la connaissance de la phase larvaire océanique
apparaît-elle maintenant indispensable pour une gestion rationnelle des
ressources notamment en milieu corallien.
Pour en savoir plus : La Recherche N°277, juin 1995, pp. 640 à 647. |
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