Comment les petits scléractiniaires solitaires des biotopes sableux font-ils pour lutter contre l’enfouissement qui leur serait fatal?

D’après un article de R. Troadec (Une association animale intéressante…, p. 85-91; CAP en BG, tome 1 CNDP-Réunion- Octobre 1980

Des coraux durs particuliers Heteropsammia michelini (syn H. cochlea) (Dendrophylliidae) et Heterocyathus aequicostatus (Caryophilliidae) se rencontrent sur les étendues sableuses des baies de la Possession et de Saint Paul.
La première espèce vit entre 10 et 15 m de profondeur avec des concentrations pouvant atteindre 40 individus au m2, la seconde vit plus profondément entre 15 et 30 m avec des concentrations parfois plus élevées (300 individus/m2 à Heron Island en Australie).
Ces coraux solitaires en forme de petit cylindre à base élargie de 2 cm de diamètre, reposent sur le sable par leur base aplatie. Ces deux espèces sont morphologiquement très proches. Cependant, Heterocyathus aequicostatus se distingue de Heteropsammia michelini par l'ornementation du calice avec la présence de cotes latérales bien marquées.

Heteropsammia michelini Heterocyathus aequi
Vue en position redressée Vue face basale Vue en position redressée Vue face basale
Heteropsammia michelini Heteropsammia michelini Heterocyathus aequi Heterocyathus aequi


L’observation de ces petits coraux sur les grandes étendues sableuses soumises aux fortes houles montrent que par leur forme aussi large que haute, ils devraient être rapidement enfouis ou retournés les conduisant à une issue fatale. Or il n’en est rien…
La réponse réside dans l’association avec un siponcle? L’examen de ces coraux révèle sur le côté basal, un petit orifice circulaire qui n’est autre que l’ouverture d’un terrier qui se prolonge à l’intérieur du squelette calcaire. Ce terrier est occupé par un ver de la famille des sipunculiens, Aspidosiphon corallica.

Aspidosiphon sp Les sipunculiens (peanut worm) sont des vers marins non segmentés de 2 mm à 70 cm de long à symétrie bilatérale. Le corps présente une trompe dévaginable, l’introvert, à surface papilleuse ou épineuse qui peut représenter jusqu’à la moitié de la longueur de l’animal.
L’introvert porte à son extrémité la bouche entourée de petits tentacules ou papilles ciliés chargées de la collecte des particules alimentaires. L’introvert sert également à fouir dans le sable: Il pénètre dans le sédiment sous l’effet de la pression du liquide coelomique. Puis, par contraction des muscles de la trompe, la partie postérieure du corps est halée
La plupart des siponcles vivent sur le fond et creusent des tunnels tapissés de mucus dans le sable ou dans la vase. Ils peuvent vivre dans des crevasses rocheuses ou coralliennes dans des coquilles de mollusques abandonnées ou les pierres et même dans les racines de palétuviers Certaines espèces sont des ectoparasites d’annélides.
Ils se nourrissent de diatomées de divers unicellulaires de larves de détritus organiques du sédiments et de films d’algues microscopiques adhérant aux substrats.
La nourriture est captée par le mucus qui recouvre le toupet de tentacules. La ciliature des tentacules conduit ensuite les particules alimentaires jusqu’à la bouche.

Rôle du siponcle associé, Aspidosiphon corallica Par l’emplacement de son terrier, sous la loge du corail solitaire, il est en mesure de le redresser lorsqu’il est renversé ou de le déplacer en le remorquant. Il laisse alors une petite trace sous forme d’un sillon dans le sédiment. Ce comportement est très voisin de celui d’autres siponcles qui se déplacent avec la coquille vide de gastéropodes qu’ils habitent.
Cette association est facultative pour le siponcle: A la mort du corail solitaire, il se réfugie dans le sable…Il a perdu sa forteresse mais l’immensité de la masse sableuse s’offre à lui…
Il en va autrement pour le petit corail solitaire: l’absence du siponcle le condamne à périr enseveli à plus ou moins brève échéance. Cependant, des formes non colonisées par un siponcle ont été observées dans des zones marines particulièrement calmes.

Cette association n’est donc pas une symbiose stricte mais plutôt une forme de mutualisme, à bénéfice réciproque où le corail est le principal bénéficiaire.

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