L'ÉTOILE ÉPINEUSE ACANTHASTER planci
D’après Pr. C. CONAND directeur du laboratoire ECOMAR, Université de La Réunion . Cette redoutable couronne d’épines (recouvertes de mucus vénéneux) est bien connue du public. Sa renommée n’est fondée ni sur sa beauté ni sur son intérêt commercial mais sur sa capacité à se rassembler en populations denses dévoreuses de corail. C’est sur la Grande Barrière (GBR) Australienne où la pullulation de cette espèce a été la plus dévastatrice en détruisant des centaines de kilomètres de récif. ![]() Ces 20 dernières années, elle a fait couler beaucoup d'encre, de nature variée depuis des articles scientifiques sur sa biologie et son écologie jusqu'aux discussions des effets sur l'industrie du tourisme. Deux questions ont été au centre des débats :
Les débats se sont développés surtout en Australie de manière complexe et émotionnelle et ont concerné des groupes très divers de la société (scientifiques, industrie du tourisme, politiques, journalistes, public) et ont conduits à l’alternative suivante :
En fait, la réponse ne peut pas être aussi simple car c'est un phénomène complexe faisant intervenir des relations proies - prédateurs. Si le problème de telles relations est général dans les écosystèmes, il est le plus souvent étudié dans le domaine terrestre où il concerne des pullulations d'herbivores : sauterelles, criquets... Biologie (d’après C. Conand; 1983) de l’AcanthasterDe coloration très variable, son diamètre varie de 18 à 50 cm en Nouvelle Calédonie. Elle possède de 11 à 22 bras en général, le plus souvent 16-17. Parmi les individus étudiés, 53% avec des bras en régénération . Son poids varie de 200 g à 3 Kg. Cette espèce est à sexes séparés, les produits génitaux sont émis dans l'eau de mer. La fertilisation sera meilleure si il y a agrégation des individus. La synchronisation de la période de reproduction est déterminée par des facteurs externes et endocriniens. Les différents stades de développement sont illustrés par la figure ci-dessous :
Des interrogations subsistent sur les modalités de la croissance :
De nombreuses études ont été menées sur les besoins nutritifs des larves car, à ce stade, il est possible de mettre en évidence des facteurs limitant. Les adultes sont corallivores mais leur régime alimentaire n’est pas strict et peut comporter algues, gorgones, alcyonaires. Ils se nourrissent en évaginant leur estomac sur la colonie corallienne puis en ingèrent le contenu prédigéré. Le corail devient entièrement blanc. La surface de l’estomac dévaginé est bien supérieure à celle des autres étoiles, d’où la possibilité d’une croissance rapide. Leur forme plus souple et relativement plus légère que les autres espèces coralliennes leur confère mobilité et efficacité. Un adulte parcourt environ 10m/h. C’est ainsi que l’Acanthaster peut détruire 5 à 6 m2 de corail / an, une agrégation plusieurs km2/an. Quant à savoir si leur activité prédatrice se déroule le jour ou nuit, les informations à ce sujet sont contradictoires. Des expériences menées en aquarium (éversion ou non de l’estomac) ont montré l’existence de préférences alimentaires suivant les coraux notamment pour Acropora sp. et dans une moindre mesure pour Pocillopora sp. Mais ces résultats dépendent de l’état nutritionnel de l’Acanthaster, de la présence et de l’abondance des nématocystes (cellules urticantes) des polypes, de l’abondance et de l’accessibilité des coraux. écologiePrésente dans tout l’lndoPacifique, son abondance est difficile à évaluer car des variations importantes dans le temps et dans l'espace ont été observées. Détentrice d’une arme chimique redoutée (des saponines toxiques), l’Acanthaster possèdent peu de prédateurs, les tritons (Charonia tritonis), la crevette arlequin (Hymenocera picta) pour les juvéniles. De plus, on dénombe 12 espèces (poissons et coraux) prédatrices de ses œufs et de seslarves. Les pullulationsLe concept de " pullulation " ou " explosion de population " est apparu à la suite des observations effectuées sur la Grande Barrière (Pearson et Endean, 1969). Une forte infestation s'était produite auparavant dans les Ryukyu (Japon); en 1957, 220 000 étoiles avaient été ramassées (Nishihira et Yamazoto, 1972). Durant les vingt dernières années, de nombreuses pullulations ont été observées (Potts, 1981). Elles se sont produites sur la Grande Barrière de 1962 à 1974, en Micronésie à Ponapé, Truk, Palau et Guam, à Okinowa, à Tahiti, à Fidji, à Hawaï, aux Samoa occidentales, etc. Mais les concepts de " population normale " et de " pullulations " restent tout à fait subjectifs. Aussi; différents chercheurs ont essayé de quantifier leurs observations. Les comptages par unité de surface de récif en Nouvelle-Calédonie montre un continuum des valeurs de 1 à 300 individus par hectare. Finalement, on retiendra comme définition de "pullulation " celle de Potts : " agrégation de plusieurs centaines ou milliers d'individus qui persistent à forte densité pendant des mois ou des années et causent de fortes mortalités des coraux sur des grandes étendues " Il faut, de plus, distinguer les infestations primaires dont les individus apparaissent de manière soudaine, des infestations secondaires qui proviennent de la dispersion des larves où des adultes d'une infestation primaire. Des infestations secondaires se sont produites sur la Grande Barrière dont certaines sont assez récentes (Cameron, 1982). Toutefois, il n’est pas toujours facile de faire la distinctions. Les dégâtsDe même qu'il est difficile de définir une pullulation, il est difficile d’évaluer les dégâts sur les coraux. Ils peuvent être très importants 90 %du corail sur les 38 Km de côte de Guam, 80 % des coraux de Green Island (GBR) jusqu'à 40 m de profondeur, ou faibles comme à Hawaii. Ils varient selon : la zone récifale, celles à faible profondeur avec turbulence sont moins touchées. les espèces coralliennes, (les coraux massifs du genre Porites ou Pocillopora sont moins attaqués). Dans les zones dénudées il peut rester des toutes petites zones rescapées de quelques centimètres qui permettront la recolonisation La mort des coraux est corrélée avec une diminution des autres espèces de l'écosystème. Au Japon, pour les espèces de poissons d’un même récif, on a dénombré 62 espèces sur le corail vivant contre seulement 43 espèces sur le corail mort. Les phytophages sont favorisés (les coraux morts étant colonisés par les algues) tandis que les espèces corallivores disparaissent. Les espèces benthiques, généralement prédatrices des précédentes sont elles aussi perturbées. Origine des pullulationsLes recherches effectuées sur l’origine de ces infestations a donné naissance à plusieurs théories qui se sont fréquemment opposées. Pour les uns, les pullulations résultent d'une perturbation nouvelle du milieu, alors qu'il s'agit d'une fluctuation naturelle de populations pour les autres. Pour les premiers, les infestations primaires proviennent selon les chercheurs :
Les seconds qui considèrent les pullulations comme un événement naturel, se basent sur des constatations tendant à prouver leur existence par le passé. Birkeland (198l) a retrouvé dans l'histoire et le folklore de certains îles du Pacifique des souvenirs des pullulations anciennes. Frankel (1977) met en évidence des restes de squelette d'Acanthaster dans des sédiments actuels et fossiles de la Grande Barrière, témoins des variations des populations passées. Deux hypothèses principales ont été formulées :
Ainsi pour Birkeland (1982) l’augmentation des populations est subite et se produit trois ans après une saison de reproduction associée à de fortes pluies, généralement en plusieurs stations d'une même zone. Les précipitations sur les îles hautes entraînent un enrichissement du lagon en sels nutritifs, lequel permet un développement du phytoplancton particulièrement favorable à la survie des larves (Lucas, 1982). Il est possible que les différentes théories élaborées pour expliquer les infestations ne soient pas réellement en opposition mais plutôt complémentaires. Les infestations primaires peuvent avoir eu des causes différentes et les facteurs invoqués dans les différentes hypothèses avoir joué un rôle plus ou moins important selon les régions. Les observations de ces animaux sont nécessaires pour la compréhension et la gestion de leurs populations. Aussi , amis plongeurs, vous trouverez une fiche d’observations que nous vous remercions de bien vouloir renvoyer au laboratoire d’écologie marine. |