Appréciation du recouvrement corallien des pentes externes de Saint Gilles et de la saline 96-98 (PAE du Lycée E. de Parny)

Ce projet a pour objectif d’apporter une contribution dans l’évaluation de la vitalité des pentes externes par l’étude des peuplements en coraux vivants.

Les études scientifiques portaient jusqu’alors davantage sur les fonds lagonaires que sur les pentes externes plus profondes.

Dans le cadre de grands projets tels que l'implantation du Parc marin ou de mise en place de réseaux de surveillance des milieux naturels sensibles, il est souvent fait état d'un manque crucial de données récentes sur ces zones, ainsi que de l'absence d'une méthodologie facile à mettre en œuvre pour les obtenir.

Méthodologie

  1. Choix des stations d'étude

    II s'agit de la partie supérieure de la pente externe. Les interventions sont menées sur les sommets des contreforts et des éperons où la construction corallienne est normalement favorisée.

    L'étude s'est effectuée dans une profondeur comprise entre -9 et -15m, pour pouvoir faire une comparaison avec les études précédentes et pour demeurer dans une zone de recouvrement optimal. De plus, c’est une zone moins exposée à la contrainte naturelle des déferlements qui permet de travailler dans des conditions de confort et de sécurité acceptables.

    Chaque année d'étude, sept stations ont été prospectées. Les stations ont été positionnées selon des amers en essayant de respecter des intervalles réguliers (entre 700 et 1000 m) pour celles appartenant à un même ensemble récifal.

  2. Technique et modalités des relevés

    La technique se devait d'être statistiquement fiable et d'usage aisé par des lycéens. En matière d'identification des organismes, les élèves de niveaux de classe différents n'avaient à reconnaître que les madrépores vivants du "reste".

    Aucune détermination générique ou spécifique n'était attendue. II s'agissait de rester dans le principe suivant : le récif corallien étant par définition élaboré par des "coraux", la richesse de recouvrement en madrépores vivants doit suffire à elle seule pour évaluer la vitalité corallienne de l'édifice étudié. Cela d'autant plus que des études antérieures pouvaient servir de référence. La quantification s'est appuyée sur la technique des quadrats.

    Le quadrat utilisé, transportable, est construit en PVC. Ses dimensions sont de 1m x 1m et un réseau de cordelette délimite 100 carrés de 1dm2 de côté. L'observateur relève sur une ardoise reproduisant le quadrat, toute la fraction du peuplement en "coraux" vivants contenue dans le cadre.

    La surface minimale définissant un échantillonnage significatif pour une station a été tirée des travaux de C. Bouchon (1978) qui a étudié cette zone. Cet auteur assure un échantillonnage représentatif du peuplement de chaque station pour une surface minimale de 6 m2 entre -5m et -30m de profondeur.

    Pour le choix de l'emplacement du quadrat, dans le respect d'une certaine objectivité, il était demandé au plongeur de lâcher le quadrat à 1m du fond au dessus d'une zone corallienne et d'effectuer le relevé à l'endroit de positionnement du quadrat. Les relevés étaient ensuite reproduits sur papier millimétré ce qui permettait le calcul des surfaces occupées par des madrépores vivants. Les pourcentages de recouvrement pour chaque station ont ainsi été évalués.

Présentation des sites d'étude

La région littorale étudiée est comprise entre la passe de Trois Bassins au sud et le Cap La Houssaye au Nord.

La première zone, étudiée en 1996-97, concerne une zone récifale de type frangeant de 9 km de long sur la côte ouest entre Saint-Gilles et Trois bassins.

La seconde zone, étudiée en 1997-98, est un ensemble de plates-formes récifales qui se développent sur 5 km, du village de Saint-Gilles-les-Bains jusqu'au Cap La Houssaye au Nord.

Toutes ces zones à fort pouvoir attractif se caractérisent par un littoral très urbanisé et une forte fréquentation des plans d'eau lagonaires et des pentes externes.



Résultats et discussion

Dans le cadre de leur doctorat, C. Bouchon (1978) et P. Chabanet (1994) ont fait part des valeurs de recouvrement en coraux vivants constatées respectivement en 1976 et 1991 sur des profondeurs équivalentes et sur des sites proches de nos propres choix. Une moyenne du taux de recouvrement dans la zone des -10,-15m peut être calculée et avoisine les 38 %.

Dans un contexte plus général de connaissance des récifs coralliens de ce type, de telles valeurs à ces profondeurs traduisent un état satisfaisant de la vitalité corallienne à cette époque et en ces zones.



Etudes du lycée E. de Parny
  • Année 1996 - 1997

    Les valeurs du recouvrement concernent la zone entre -12 et -15 m sur les récifs coralliens de Saint-Gilles-Sud (4 stations) et de la Saline les bains (3 stations).

    La valeur maximale est atteinte à "Planche Alizés" (20,8 %) et la valeur minimale au lieu-dit "Petit canyon" à proximité de Saint-Gilles les Bains (8,7 %).

    Par comparaison avec les études antérieures, on remarquera les points suivants :

    - aucune valeur n'atteint le pourcentage minimum enregistré auparavant (29 % pour " Trois chameaux")

    - les moyennes calculées pour les 2 unités récifales ( 9,75 % pour Saint-Gilles Sud et 13 ,63 % pour la Saline les Bains) sont très inférieures à celle déduite des premières études pour l'ensemble du récif de Saint-Gilles - La Saline (37,75 %)

    - la valeur maximale concerne toujours la zone de "Planche Alizés" mais la richesse du recouvrement est descendue de 49 % à 20,8 %.

  • Année 1997 -1998

    Les pourcentages de recouvrement concernent cette fois les récifs coralliens situés au Nord de Saint-Gilles les Bains. Deux zones morphologiques ont été appréhendées et chacune, à des profondeurs comprises entre - 9 et -13 m :

    - une zone "éperons-sillons" pour Saint-Gilles Nord

    - une zone à "contreforts et vallons" pour l'ensemble récifal dit de Boucan Canot.

    Les valeurs du recouvrement en madrépores vivants évoluent de 12,6 % (station "Maharani") à 23,3 % (station "EDF - Aigrettes").

    La moyenne du recouvrement est supérieure sur le récif de Saint-Gilles Nord (19%) par rapport à celle de l'ensemble Boucan Canot (15 %).

    II n'existe aucune étude antérieure portant sur le recouvrement corallien de cette partie Nord de Saint-Gilles les Bains.

    L'évolution de ce peuplement corallien ne peut donc être discutée mais on remarquera qu'il apporte dans l'ensemble de meilleurs taux de recouvrement que celui étudié sur les récifs situés au Sud de Saint-Gilles les Bains.

  • Précision des relevés

    Afin d'estimer l'erreur maximale qui pouvait affecter les relevés, un test a été organisé : au cours d'une plongée dans des conditions de houle modérée, sensible sur le fond et déstabilisante pour le plongeur mais permettant toutefois le maintien du quadrat sans attache, les élèves scindés en deux groupes se sont vus attribuer un quadrat par groupe sur une position précise mais différente d'un groupe à l'autre. L'un des groupes a présenté dans l'analyse de son quadrat des résultats compris entre 11,80% et 9,24%, et l'autre, entre 17,34% et 12,35%; soit une variation de 2,56% pour le premier et de 4,99% pour le second. Nous avons décidé de retenir une précision de ± 5% pour l'ensemble des relevés.

Comparaison avec les résultats des études antérieures
Stations Études antérieures : A Étude 96-97 : B Taux de dégradation : A-B
Trou d'eau 40 8,9 31,1
Planch'alizés 49 20,9 28,2
Club Med 33 11,2 21,8
Trois chameaux 29 10,7 18,3
Moyenne 37,75% 13,1% 24,85%

On remarquera qu'en majorant de la valeur d'incertitude choisie (± 5 %) tous les résultats obtenus par la présente étude, ils restent malgré tout dans des domaines de pourcentages très inférieurs à ceux obtenus au cours des précédentes études. Sur la grande unité récifale de type frangeant qui se développe de Saint-Gilles à La Saline, des comparaisons plus "parlantes" peuvent être abordées :

- Deux stations se retrouvent à la fois dans les études antérieures à celle de 1996 -97. II s'agit du "Trou d'eau" étudiée par C. BOUCHON (1976) et de "Planche Alizés" étudiée par P. CHABANET (1991 ).

- Deux autres stations, "Club Med" et "Trois Chameaux" du dernier auteur sont aussi très proches respectivement des stations "Camp Finance" et "Novotel" choisies dans l'étude 1996 -97 par le lycée.

A la lecture de ce tableau et dans une optique "optimiste" (résultats de 96-97 majorés de 5 %), la dégradation moyenne ayant affecté les pentes externes du récif Saint-Gilles - La Saline les Bains peut être estimée à près de 20 % (19,85 %).

La vision "pessimiste" qui fait abstraction pour les résultats de la majoration liée à l'incertitude portant sur la précision des relevés, porte ce taux de dégradation à près de 25 % (24,85%).

Dans les deux cas, cela dénote une évolution alarmante de l'état de la vitalité corallienne dans la zone des -12 -15 m sur le récif principal de la côte Ouest de l'île de La Réunion entre 1991 et 1997.

Une étude, par certains aspects comparable à celle du PAE du lycée, a été menée récemment par Patrick Durville qui a suivi régulièrement une zone corallienne équivalente et proche de la station "Case Préfet" du lycée, pendant 3 ans, de 1994 à 1997. Le recouvrement en coraux vivants, d'un taux de 10,1 % en 1994 est passé à 7,6% en 1997. La station proche dite "Case Préfet" fut quant à elle la première exploitée par les lycéens en décembre 96 et son recouvrement corallien à l'époque fut évalué à 9,2 %. Cette valeur s'intègre totalement dans l'évolution du taux de recouvrement constaté par P. Durville etconfirme la crédibilité scientifique du travail des lycéens participants.



Conclusion

Les scientifiques du laboratoire d'Écologie marine de l'Université de La Réunion constatent et suivent depuis de nombreuses années la dégradation corallienne qui affecte les platiers récifaux de l'île de La Réunion. Par rapport à ces travaux, la présente étude est novatrice sur deux aspects.

En premier lieu, elle constate pour la première fois que, depuis au moins le début des années 1990, cette dégradation affecte également les pentes externes du récif frangeant de Saint-Gilles-La Saline. Sur la base de l'investigation de 7 stations réparties le long de ce récif, on peut évaluer au minimum à 20 % la baisse du recouvrement en coraux vivants de la zone -12 m -15 m d'une pente externe qui selon les études antérieures à 1991 présentait un pourcentage de vitalité corallienne considéré comme normal et d'environ 38 %.

En second lieu, elle quantifie également pour la première fois le recouvrement en madrépores vivants d'une zone de pente externe équivalente, concernant tous les récifs de dimensions plus réduites situés au Nord de Saint-Gilles les Bains. Les valeurs moyennes de 19 % pour Saint-Gilles Nord et de 15 % pour l'ensemble récifal de Boucan Canot prennent de ce fait valeur de référence pour les profondeurs comprises entre -9 et -13 m.

(Extrait du rapport Appréciation du recouvrement corallien des pentes externes des récifs de Saint Gilles Les Bains et de la Saline Les Bains, publié par VO.)

Cette initiative qui au départ émane de 8 lycéens, a été classée localement 2ème dans le programme de "Mille défis pour ma planète". Elle a été retenue dans celui des Ecoles Associées de l'UNESCO ce qui détermina sa reconduction pour l'année 1997-98 et a permis d'élargir le champ de l'étude scientifique. Le projet a également été présenté au Programme Régional Environnement de la COI qui l'a vivement encouragé car il apporte une contribution scientifique s'inscrivant totalement dans les préoccupations de cette instance

Elève au travail

Cette action a été menée sous la responsabilité de R. Troadec assisté par P. Soulier en 97-98 en partenariat avec le Suwan Macha et VO.

Elle a été reconduite en 98-99 en utilisant les nouvelles méthodologies élaborées par la COI. Une station a été équipée sur le récif de Grand Fond

Un suivi a été réalisé 10 ans plus tard par d'autres élèves du Lycée E. de Parny ...

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