Connaissances des sites de pontes des tortues marines à la Réunion


Dans le cadre des "Mille Défis pour ma Planète", 4 groupes d’une vingtaine d’élèves de 5ème du Collège de la Pointe des Châteaux (St Leu) sous la direction de Pascale Bontoux, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre ont réalisé ce travail, au cours des deux dernières années scolaires, Il a été présenté à Exposciences 2000 et au Centre d’études et de Découverte des tortues marines, à St Leu.

On rencontre deux espèces de tortues marines à la réunion : la tortue à écailles (Eretmochelys imbricata), petite tortue carnivore, et la tortue franche ou tortue verte (Chelonia mydas), de plus grande taille et qui est herbivore (cf. tableau).

Eretmochelys imbricata Chelonia mydas


Les tortues marines à la Réunion au fil du temps

Au XVIème siècle, les récits des navigateurs nous prouvent la présence, à La Réunion, d’importantes populations de tortues marines. Utilisées comme source de nourriture, les navigateurs et les colons de l’époque prélevèrent abondamment dans cette réserve si bien que dès le début du XVIIIème, elles se raréfièrent. Ces reptiles ont déserté nos rivages au fur et à mesure du peuplement de l’île, probablement victimes de la surpêche mais également à cause d’une trop forte fréquentation du littoral par les populations humaines.

  • De nos jours, de nombreux témoignages de pêcheurs, de plongeurs et de parapentistes attestent de la présence régulière des tortues marines dans les eaux réunionnaises notamment dans l’Ouest.

    Si beaucoup de personnes ont voulu témoigner de leurs observations en Guadeloupe, en Malaisie et à Mayotte, par contre, les appels à témoignage par voie de presse et les résultats des questionnaires pour obtenir des informations sur la présence des tortues marines au cours des 50 dernières années n’a pas été aussi fructueux que ce que qui était espéré.

    Dans les années 40, une dame affirme avoir mangé à l’âge de 7 ans, une tortue qui aurait été attrapée vers la Pointe de la Table.

    Dans les années 50, un pêcheur de St Leu affirme avoir retourné une tortue qui allait regagner la mer après la ponte...

    Vers 1960, un habitant de St Paul, assure que les tortues venaient parfois pondre sous les tamarins de l’Inde, au bord de la plage près de la piscine municipale.

    En 1973, un homme se rappelle avoir remis à l’eau des petites tortues que lui avait rapporté un des ses amis de passage sur l’île. Ce touriste qui croyait que les pontes de tortues étaient fréquentes à la Réunion avait ramassé, en toute innocence, ces petites tortues dans une flaque du côté de Manapany.

    En 77-78, un ancien habitant de St Paul, à l’époque adolescent, se souvient d’avoir vu plusieurs tortues monter au même moment sur la plage entre le cimetière et le tunnel de la Marianne. Selon lui, le profil de la plage a changé depuis cette époque.

    Dans les années 70, des pêcheurs de St Leu disent avoir vu de nombreuses tortues entre St Paul et la "Pointe au sel". Elles étaient toujours solitaires et de toutes les tailles Selon eux, les pêcheurs ne les capturaient pas car, à cette époque, il y avait beaucoup de poissons. On pouvait observer sur la plage des traces laissées par les tortues venues pondre. On ne s’en occupait pas car elles faisaient parties du décor. Ils signalent qu’autrefois, la plage en face de la gendarmerie de St Leu était plus large.

  • L’observatoire des tortues marines de la Réunion (O.TO.MA.R.), créé en 1996, effectue des campagnes d’observation, sur le littoral, entre les baies de St Leu et de St Paul. Le survol aérien en U.L.M. à environ 150m d’altitude et à une vitesse moyenne de 70 Km/h permet de couvrir une grande zone d’observation en peu de temps et de repérer facilement la présence, l’espèce et la taille de la tortue. La réalisation d’un grand nombre d’observations permettra d’arriver à une cartographie précise de la répartition des tortues et de connaître l’évolution de la population des tortues sur nos côtes.

    Les résultats obtenus au cours des différentes campagnes confirment la présence permanente et significative des tortues marines sur le littoral ouest de la Réunion. L’espèce la plus facilement identifiable et donc la plus souvent comptabilisée est la tortue franche (Chelonia mydas). Elles sont en général solitaires mais un accouplement a été constaté devant la " Ferme Corail " à St Leu.

    Au cours de 41 vols de la campagne 98-99, 282 tortues ont été comptabilisées soit en moyenne 7 par vol (le nombre minimum par vol est de 0 et le maximum est de 16). Le nombre de tortues observées par vol est a priori inférieur au nombre de tortues présentes (certaines ne sont pas visibles car en apnée en profondeur ou de trop petite taille pour être repérées).

    Bien que les tortues de taille moyenne (50 à 100 cm) aient été le plus fréquemment repérées, toutes les tailles de tortues sont observées.

    Le relevé des positions géographiques des tortues montre clairement que les tortues franches fréquentent des zones préférentielles du littoral notamment celles comprises entre le Cap la Houssaye et la Passe de l’Hermitage.

    La poursuite des études permettra de dire si la Réunion est une aire de reproduction, d’alimentation ou de transit pour les tortues franches.

Les pontes récentes de tortues marines sont rares à la réunion

A maturité sexuelle, la tortue franche parcourt, tous les 3 ans, la distance d’environ 2000 Km, qui sépare son aire d’alimentation de celle de reproduction. Arrivée dans la zone de reproduction, elle s’accouple en mer. La ponte a lieu la nuit, à marée haute. La tortue monte sur le sable pour creuser un trou de 70cm de profondeur au niveau du haut de la plage. Là, elle y déposera 100 à 200 œufs qu’elle recouvrira de sable avant de regagner la mer. Cette opération lui prend au total 7 heures. Une même femelle peut monter pondre jusqu’à 11 fois dans la même saison. La ponte est un moment périlleux car le chemin du retour à la mer peut être parsemé d’embûches pour ce lourd animal qui doit fuir les ardeurs mortelles du soleil.

Deux mois après la ponte, c’est l’éclosion qui a lieu la nuit après une chute de la température au niveau du nid. Le reflet de la lune guide les petites tortues vers la mer. Mais elles doivent faire face à de nombreux prédateurs tant terrestres que marins. On estime à 1 pour 1000 le taux de survie dans la nature.

Les pontes récentes de tortues marines sont des phénomènes si exceptionnels à la Réunion qu’ils sont relatés dans les journaux. :

  • En 87 ou 88 , une tortue franche aurait essayé de pondre à trois endroits différents de la plage d’étang salé.

  • En 94, le soir du 13 Mai, alors qu’une panne d’électricité prive une partie de St Gilles de lumière, une tortue pond au pied d’un mur de Grand Fond (St Gilles). Le soir du 15 août, soit 93 jours plus tard, une petite tortue regagnant la mer était observée. On peut expliquer l’allongement de près d’un mois de la période d’incubation par le fait que cette ponte a eu lieu au mois de Mai alors que généralement elles surviennent en été. Le nid, profond de 70 cm environ, fut déterré 2 ½ mois plus tard par des membres de Vie Océane. On dénombra 108 œufs dont seulement 50 étaient éclos et les autres encore entiers. Du fait de la faible largeur de la plage à cet endroit, le nid était exposé au déferlement de la houle et l’éclosion des œufs avait peu de chances de réussir.

  • En 1996, des personnes découvrent le 16 novembre une dizaine de petites tortues mortes sur la plage de sable noir d’étang salé. Elles étaient en excellent état de conservation, mais desséchées par quelques heures passées sur la plage au soleil. Il est probable que ces tortues soient sorties du nid en pleine journée et qu’elles soient mortes à cause de la chaleur du soleil et du sable. La ponte avait dû avoir lieu deux mois plus tôt en septembre 96. Le lendemain, d’autres promeneurs trouvèrent des bébés tortues morts. Ils localisent le nid et l’humidifient pour en faire sortir les tortues encore présentes. Pour éviter qu’elles ne subissent le même sort que les précédentes, ils effectuent plusieurs allers et retours pour mettre à l’eau la soixantaine de rescapées. Plusieurs mois plus tard, des membres de la SREPEN comptèrent 122 coquilles vides.

Les avis de recherche lancés par voie de presse et le centre d’études et de découverte de la Tortue ont fourni d’autres témoignages :
  • En 1998, une personne aurait vu des petites tortues près de La ravine Blanche (St Pierre) .

  • En 1999, au mois d’octobre, un autre témoignage indique la présence de traces de tortues sur une plage près de "Grand’Anse".

Pourquoi les tortues ne pondent-elles plus que très rarement à la Réunion?

Le très faible nombre de ponte est à mettre en relation avec d’une part la faiblesse des effectifs des tortues marines à la Réunion mais également avec l’urbanisation et la fréquentation toujours croissantes du littoral. Les femelles ne montent pas pondre sur les plages du fait du bruit et de la lumière. Les petites tortues qui sortent du nid sont attirées par les éclairages artificiels et ne trouvent pas le chemin de la mer. Du fait de l’aménagement du littoral, les sites de ponte se sont raréfiés.

Réhabiliter un site de ponte

L'idée d’aménager un site est favorablement accueillie par la majorité des personnes interrogée. Si le projet est séduisant, l’urbanisation toujours croissante du littoral réunionnais et les axes prioritaires du développement à La Réunion laissent douter de sa faisabilité.

Quelques pessimistes pensent que ce projet est complètement utopique et qu’il serait préférable de concentrer tous les efforts sur les sites de ponte existants. Leur nombre se réduit chaque année, les plages étant de moins en moins accessibles aux tortues. Seules des îles inhabitées comme Tromelin et Europa restent des sites privilégiés.

Même si la mise en place d’un tel projet relève d’un véritable défi, il serait souhaitable que la Réunion qui a été un lieu de prédilection pour la reproduction des tortues marines, puisse à nouveau offrir à celles ci la possibilité de se reproduire sur ses côtes.

C’est en tout cas le souhait des élèves de l’atelier qui à travers celui-ci ont pu prendre conscience de certaines conséquences d’actes individuels et collectifs sur l’équilibre fragile des espèces et s’approprier la notion de solidarité et de responsabilité à l’égard de l’environnement.

C’est également un projet du Centre d’études et de Découverte des Tortues Marines qui a lancé l’opération " Histoire et réhabilitation des sites de ponte à la Réunion " dont l’objectif est de mieux connaître l’histoire et les " habitudes " des tortues marines aux abords de nos côtes mais également de " concilier " le site de reproduction avec un développement " maîtrisé des activités littorales touristiques et de loisirs ".

Les élèves ont participé à cette opération tout comme Corinne Dambreville qui dans son mémoire de maîtrise de géographie (Septembre 1999) intitulé " Etude descriptive d’éventuels sites de reproduction de la tortue verte sur les côtes Ouest et Sud de la Réunion " retrace l’historique des pontes de tortues marines à la Réunion et définit les caractères des plages Occidentales et Méridionales de l’île de la Réunion selon des critères morphologiques et anthropiques.

Si l’idée de réhabilitation devait faire son chemin, la première difficulté est de rechercher le site favorable à un tel projet. Les plages de sables sont peu nombreuses (17% du littoral réunionnais) et présentent des contraintes (présence de la RN1, d’aménagements urbains, de sable noir,..). D’autre part, les plages fréquentées autrefois par les tortues sont mal connues (d’où l’intérêt de faire appel à la mémoire collective).

Au travers de cette étude, les jeunes se sont rendu compte de la difficulté à recueillir des informations, de la nécessité de posséder une base scientifique solide sur le problème avant d’engager une action et de la complexité pour réussir à mettre en œuvre des solutions acceptables par tous.

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