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Les rejets de CO2 pourraient diminuer la calcification marine et menacer les récifs coralliens

 

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Les récifs coralliens, et d'autres écosystèmes marins calcificateurs comme les algues calcaires, sont directement menacés par l'accroissement global du gaz carbonique atmosphérique. Les rejets de CO2 entraîneraient un bouleversement de la chimie du carbone des eaux de surface océaniques, une diminution de la saturation de l'eau de mer en carbonate de calcium, et limiteraient ainsi la pousse des coraux et des organismes calcaires.

A partir de ces résultats, des équipes américaines, australiennes et celle de Jean-Pierre Gattuso, chercheur à l'observatoire océanologique du CNRS à Villefranche-sur-mer, ont développé un modèle géographique et temporel des conséquences de la diminution de la calcification sur le développement des récifs coralliens.

Ce modèle prévoit notamment une diminution de la calcification de 17 à 35 % entre 1990 et 2100. En particulier sur les récifs de la mer Rouge, de l'ouest de l'océan Pacifique central et ceux de la mer des Caraïbes. Les résultats sont publiés dans l'hebdomadaire américain Science (1). Ce stress subit par les récifs coralliens s'ajoute à ceux déjà bien connus comme le blanchissement des coraux en réponse à l'augmentation globale de la température ou les stress locaux ou régionaux dus à une mauvaise gestion des zones côtières.


En dépit de l'accord de Kyoto, la concentration de CO2 atmosphérique continuera d'augmenter dans un futur proche. On estime généralement que la pression partielle de CO2 aura doublé en 2065 par rapport à sa valeur pré-industrielle (environ 280 ppm) et qu'elle atteindra environ 700 ppm d'ici à 2100, une valeur sans précédent durant le Quaternaire. Ces modifications entraîneront un bouleversement de la chimie du carbone des eaux de surface océaniques avec, notamment, une diminution du pH, de la concentration des ions carbonate et de la saturation de l'eau de mer en carbonate de calcium.

Courbe d'évolution du CO2 depuis 1850 à partir de l'analyse des carottes de glace antarctiques. (Document transmis par Jean Marc BARNOLA, Laboratoire CNRS de Glaciologie, Université Jospeh Fourier, Grenoble )
Taux de co2 de 1850 à nos jours

Fin 1998, J.-P. Gattuso, chargé de recherche au CNRS, détaché à l'époque à l'Observatoire Océanologique Européen de Monaco, et ses collaborateurs monégasques, belges et américains, démontraient dans la revue Global and Planetary Change, que la diminution de la saturation en carbonate de calcium provoque une diminution de la calcification des coraux (2). Des résultats depuis confirmés par les recherches menées sur le mésocosme corallien de Biosphere 2 à Tucson, dans l'Arizona, par une équipe américaine.

Début 1999, J.-P. Gattuso et ses collaborateurs opéraient une analyse des données de la littérature scientifique. D'après les résultats, publiés dans le numéro de mars 1999 de la revue American zoologist, les coraux ne seront pas les seuls organismes calcificateurs marins affectés par le phénomène. Des algues calcaires et d'autres organismes le seront aussi. Selon les auteurs, la calcification marine globale pourrait avoir diminué de 10 % entre 1880 et 1990 (3). Le rythme devrait s'accélérer. Les prévisions d'augmentation du CO2 atmosphérique de l'International panel on climate change (IPCC) laissent penser que la calcification pourrait diminuer de 9 à 30% entre 1990 et 2100. Soit une diminution de 22% en moyenne.

Aujourd'hui, les équipes américaines, australiennes et françaises présentent dans la revue Science, un modèle géographique et temporel de l'incidence de cette diminution sur les récifs coralliens. Ces édifices calcaires jouent un rôle considérable dans les zones côtières tropicales. Ils protègent notamment les rivages de l'action destructrice de la houle et des cyclones. Seulement voilà, la croissance et le maintien des récifs coralliens dépendent presque exclusivement de la calcification des coraux et des algues calcaires. Une diminution de la calcification de plus de 20% entraînera donc un sérieux problème pour de nombreux récifs. Selon le modèle exposé, la diminution sera plus importante pour les récifs de la mer Rouge, de l'ouest de l'océan Pacifique central et de la mer des Caraïbes. Les récifs actuellement en équilibre (destruction de carbonate de calcium égale à la production) devraient être les plus affectés. Ces récifs sont localisés sous des latitudes élevées, comme ceux des Bermudes, à proximité de remontées d'eau profonde, par exemple aux Galápagos, et de façon plus générale, déjà soumis à une pression anthropique importante.


Aujourd'hui les recherches se poursuivent. Les équipes de l'Observatoire Océanologique Européen de Monaco et de Biosphere 2 à Tucson (Etats-Unis) étudient notamment la réponse d'autres organismes et écosystèmes calcificateurs à l'augmentation de CO2. Ces travaux, soutenus par le CNRS*, viendront alimenter le modèle géographique et temporel. Les résultats permettront d'affiner les estimations recueillies. D'autres interactions avec des paramètres environnementaux affectés par les changements globaux, comme la température et l'éclairement solaire, sont aussi étudiées.

Répartition par pays du co2.

Références bibliographiques des travaux cités:

(1) Kleypas J. A., Buddemeier R. W., Archer D., Gattuso J.-P., Langdon C. & Opdyke B. N., 1999. "Geochemical consequences of increased atmospheric CO2 on coral reefs", Science, 2 avril 1999.

(2) Gattuso J.-P., Frankignoulle M., Bourge I., Romaine S. & Buddemeier R. W., 1998.

"Effect of calcium carbonate saturation of seawater on coral calcification", Global and Planetary Change, Vol 18.

(3) Gaffuso J.-P., Allemand D. & Frankignoulle M., 1999. "Photosynthesis and calcification at cellular, organismal and community levels in coral reefs: a review on interactions and control by carbonate chemistry". American Zoologist, mars 1999.

*L’ensemble des travaux cités sont soutenus par le CNRS (Programme National Récifs Coralliens), le Scientific Committee on Oceanic Research et le programme international Land-Ocean Interactions in the Coastal Zone, sous les auspices du Programme International Géosphère-Biosphère (PIGB).

Site du CNRS : http://www.cnrs.fr